À cette occasion, je souhaite partager avec vous une interview réalisée par le média numérique Aceprensa, conduite par Luis Luque en décembre 2020. Dans cette conversation, nous avons exploré mon expérience de vie, marquée par un combat permanent contre la dystrophie de Duchenne, une maladie génétique grave. Avec le soutien de ma famille et d’autres piliers fondamentaux, j’ai appris à embrasser la vie avec positivité et à surmonter les défis du quotidien.
À travers cette interview, j’essaie de transmettre l’importance de la solidarité et la valeur de préserver la vie et la dignité face aux débats actuels sur l’euthanasie dans le contexte social. J’espère que cette conversation pourra inspirer une réflexion sur les complexités entourant cette question.
Entretien Aceprensa – LUIS LUQUE, 21 DÉCEMBRE 2020
“L’euthanasie exerce une pression énorme sur de nombreux malades”
Xavi Argemí a 25 ans, mais il apprécie certains détails de la vie peut-être comme seuls les plus âgés en ont l’habitude. Il aime les conversations paisibles, la contemplation du coucher de soleil, la présence de personnes affectivement proches, même lorsqu’aucun mot extraordinaire n’est échangé…
Il est atteint d’une maladie grave : la dystrophie de Duchenne, une pathologie d’origine génétique qui se manifeste généralement dès l’enfance. Ses symptômes vont de la faiblesse musculaire sévère à la déformation de la colonne vertébrale, qui finit par affecter gravement la capacité pulmonaire.
Xavi, cependant, ne vit pas dans la tristesse. Il a écrit un livre : Apprendre à mourir pour pouvoir vivre. Petites choses qui rendent la vie merveilleuse (Rosa dels Vents, 2020), dans lequel il partage son expérience et tente d’aider ceux qui vivent des situations similaires. Ce jeune Barcelonais se dit “heureux” et est convaincu que ceux qui, confrontés à des maladies graves et incurables, font face à la mort, ont besoin d’accompagnement et non d’un encouragement à mourir.
Xavi a gentiment répondu à un questionnaire envoyé par Aceprensa. Il explique être né à Sabadell et être le benjamin d’une fratrie de neuf enfants. Sa maladie dégénérative “me fait perdre de plus en plus de force : je suis passé de la marche dans mon enfance à l’utilisation d’un fauteuil roulant avec très peu de mobilité, bien que je puisse encore bouger légèrement les mains. Le problème le plus grave est au niveau pulmonaire, car une simple bronchite peut entraîner de graves complications. Actuellement, l’espérance de vie est d’environ 30 ans.”
— Une souffrance d’une telle gravité peut faire perdre à quiconque la joie de vivre. Comment avez-vous vécu cette situation ?
— J’ai eu la chance d’avoir toujours ma famille à mes côtés. Le soutien et l’éducation de mes parents ont été essentiels. Ils m’ont appris la force et m’ont toujours considéré comme un enfant “normal”. Plus précisément, ma mère m’a toujours encouragé à voir le côté positif de la vie : ne pas penser à ce que je ne peux pas faire, mais aux possibilités qui me restent malgré mes limitations. Dans ce sens, ma foi m’a aidé, tout comme l’appréciation des petites choses auxquelles on ne prête généralement pas attention, ainsi que le soutien de mes amis et de ma famille.
— Je sais qu’en plus du livre que vous avez écrit, vous terminez une licence universitaire… (À la date de publication de cette interview, j’étais diplômé depuis trois ans, en 2021)
— J’ai terminé une licence en Multimédia à l’Université Ouverte de Catalogne (UOC) ; j’aime beaucoup le design graphique et j’ai hâte de travailler. L’idée du livre est née du désir de partager mon expérience de vie afin d’aider ceux qui traversent des épreuves similaires. Aujourd’hui, je réalise que j’ai aidé bien plus de personnes que je ne l’aurais imaginé.
“Les piliers fondamentaux de ma vie sont la famille, les amis, le soutien spirituel, émotionnel, psychologique et médical ; plus précisément, les soins palliatifs.”
— Votre maladie ne vous a pas empêché d’accomplir ces projets. Comment la gérez-vous ? Quels sont vos principaux soutiens ?
— Ces dernières années, la maladie a beaucoup évolué. Je dois être aidé dans mes tâches quotidiennes ; cependant, les avancées technologiques augmentent mes possibilités, malgré mes nombreuses limitations.
Les piliers fondamentaux de ma vie sont la famille, les amis, le soutien spirituel dans toutes ses dimensions, le soutien émotionnel, psychologique et médical ; actuellement, plus particulièrement, les soins palliatifs.
— En quoi ces soutiens vous ont-ils aidé ?
— Ils ont amélioré ma qualité de vie. Par exemple, l’opération du dos que j’ai subie en 2010 a été très difficile, mais elle m’a permis de garder le dos droit. Sans cette intervention, je ne serais probablement plus en vie, car ma colonne vertébrale se serait encore davantage affaissée, au point d’empêcher mes poumons de fonctionner correctement.
— Avez-vous déjà ressenti du désespoir ou du découragement ? Comment les surmontez-vous ?
— Comme tout le monde, je suis humain et j’ai des hauts et des bas. Chaque jour, je dois lutter pour me relever et penser positivement. J’essaie de me concentrer sur ce que je peux faire et sur ce que je peux apporter aux autres. À mon avis, plus nous nous tournons vers les autres, plus nous sommes heureux. Je pense aussi que tout ce que je fais a une signification spirituelle. En tant que croyant, je crois en une autre vie, où règnent justice et bonheur. Et je crois aussi qu’il y a Quelqu’un à mes côtés. Même si tout le monde n’a pas la foi, nous avons tous des émotions qu’il faut apprendre à gérer.
L’euthanasie, une solution plus simple que la recherche médicale
Xavi témoigne précisément à un moment où le gouvernement espagnol accélère l’adoption d’une loi sur l’euthanasie, sans consulter les experts en soins palliatifs ni tenir compte de l’avis du Comité de bioéthique d’Espagne. Le Congrès a approuvé cette loi le 17 décembre 2020, et elle devrait entrer en vigueur en avril, sauf en cas de recours constitutionnel.
Mais les critiques ne viennent pas uniquement de l’opposition politique ou du domaine médical. Des malades eux-mêmes expriment leurs craintes. Jordi Sabaté Pons, atteint de la SLA (sclérose latérale amyotrophique), déclare à El Mundo qu’il craint que cette loi entraîne une diminution des investissements dans la recherche, laissant des maladies comme la sienne sans solutions.
“Les malades ont besoin de soutien, pas d’une pression pour mourir.”
— Pour certains, notamment en politique, l’euthanasie est une “solution” au découragement des patients atteints de maladies incurables. Qu’en pensez-vous ?
— Je pense que c’est tout le contraire : cela fait ressentir à de nombreux malades qu’ils sont un fardeau pour la société et leur met une pression énorme. Ce dont nous avons besoin, c’est de soutien, de soulagement de la douleur. Il faut protéger le droit à la vie, car toute vie est digne. La solution n’est pas de proposer l’euthanasie, mais d’investir dans une meilleure qualité de vie et d’aider les gens à donner un sens à leur existence.
— Que diriez-vous à ceux qui, sans avoir vécu une condition comme la vôtre, estiment nécessaire d’adopter une loi sur la “mort digne” ?
— Je leur demanderais de se mettre à la place des malades et de réfléchir à ce qui peut être fait pour leur garantir une vie digne, sans recourir à la mort. Le problème est bien plus complexe qu’ils ne le pensent. Je crois que les soins palliatifs sont la meilleure solution : ils apportent accompagnement, soulagement de la douleur et aident à donner un sens à la vie.